Le Rap Suisse Ca M’Emmerde

Il y a quelque temps, repreZent vous présentait le talentueux Tuân dans une interview dans laquelle il lançait un premier pavé dans la marre. Visiblement ça l’a fait marrer de voir les canards s’envoler tout paniqué et il en remet une couche avec ce texte en forme d’édito.

Par Tuân
Beaucoup de monde sait ce que je pense du rap et plus particulièrement des rappeurs : la plupart d’entre eux sont de sacrés idiots. Adeptes de la bouteille de whisky bas de gamme, ou encore des soirées comateuses sur canapé cuir, le monde du rap tourne moins autour de la musique que de la bêtise humaine. Ce qui est fort regrettable. Mais ne vous trompez pas, les quelques lignes que vous lisez ici même sont du fait d’un aficionado du rap et non pas d’un détracteur. Les gens connaissant un tant soit peu mon parcours pourront attester du fait que j’ai un minimum de légitimité pour m’exprimer de la sorte.

Le rap suisse ça m’emmerde. J’ai essayé de ne plus en écouter, mais trop de rappeurs attirent mon attention. Ils me fascinent comme Christophe Lambert me fascine. Je m’amuse à détourner le rap suisse, à le rendre divertissant ; car même si je ne l’aime pas, je le trouve plutôt drôle. Des rappeurs stars après 5000 vues sur Youtube et des « kings » de communes où habitent 500 personnes (dont 400 moutons) sont autant de problèmes de représentation dont il souffre. Car le rap suisse, c’est un peu un poltergeist, un esprit frappeur. Il se manifeste de temps à autre sans qu’on sache vraiment ce qu’il veut, casse une assiette, et s’en va. C’est ça, c’est un fantôme : il est là sans vraiment exister et sans vraiment savoir pourquoi.

Le rap suisse ça m’emmerde. Et pourtant, Dieu sait si je ne lui ai pas accordé du crédit à une période de ma vie avec mon blog Holla Back. En Suisse, un artiste rap demande au public d’acheter son album dans une optique de soutien. Autrement, le rappeur criera au boycott, au manque de structures, aux haters (l’excuse du faible), et à encore bien plus de plates excuses. C’est ce que j’appelle le syndrome du « c’est pas moi c’est Murphy », où lorsque on s’autopersuade que nos échecs sont causés par des faits extérieurs et non pas par notre incompétence. Navré, mais les gens achètent un produit parce qu’ils le trouvent bon et parce qu’ils l’aiment. Chose plutôt aux antipodes du fameux « soutien » que demande tout le temps le rappeur.

Quand j’entends le mot « soutien », ça me fait penser à une béquille ou à la jambe de bois d’un vétéran de la guerre du Vietnam. En tous les cas, c’est un mot qui définit assez bien un rap infirme, statique, d’autant plus que le rap suisse est perpétuellement à la recherche de promesses de dons comme au Téléthon. On ne vend plus un produit, on fait une quête, un appel à la solidarité : « achète mon CD », « vote pour moi pour tel festival », « fais tourner la vidéo de mon freestyle »… D’un côté, avec toutes les ONG qu’il y a de par chez nous, le rap suisse ne pouvait pas mieux tomber.

Le rap suisse ça m’emmerde. Mais le rappeur suisse a le mérite d’avoir des frustrations proches des troubles sexuels, ce qui tombe bien dans la mesure où une analyse sans parler de zizi n’est pas une vraie analyse, merci Freud (ce n’est pas un rappeur). On peut dire que les symptômes relatifs au syndrome de la jambe de bois vont souvent de pair avec ceux de la sexualité du rappeur du coin. J’irai même jusqu’à dire qu’ils sont indissociables.

On observe d’ailleurs plusieurs stades :

1. Le stade de la masturbation
Être narcissique et égocentrique est une caractéristique à part entière de la culture hip-hop. En effet, que serait le rap sans ego et sans esprit de compétition ? Toutefois, ce premier stade se présente comme une forme de narcissisme primaire où le rappeur se trouve incroyablement beau et charismatique en se masturbant devant son reflet ou son image. Il n’y a qu’à voir la satisfaction ressentie par un rappeur lors de la publication sur Youtube et Faecbook de son freestyle d’une minute trente. Son désir sexuel est alors dirigé vers lui-même.

2. Le stade de l’inceste
Avoir des homies et les encourager à se lancer dans le rap ou encore la production, c’est bien. Encourager les siens alors qu’ils n’ont pas une once de talent, c’est pas bien. Quoi de plus malsain qu’exhorter l’émergence d’une scène qui n’en vaut pas la peine ? Ici, le désir sexuel du rappeur est dirigé vers ses proches et est dicté par le sentiment d’autosatisfaction ; la résultante est que l’on assiste à une émergence croissante de tares héréditaires et congénitales au niveau artistique : c’est la consanguinité (flow approximatif, lyrics bêtes, sale style vestimentaire…). À noter que ce stade touche également les sites de rap locaux : tout montrer n’est pas bien montrer.

3. Le stade de la prostitution
Le stade de la prostitution ne signifie pas que le rappeur suisse se prostitue (quoique…), mais qu’il va aux putes. Pour une collaboration, il est prêt à payer des artistes dont personne ne veut, ou encore à démarcher des MC’s déterrés aux 16 mesures à usages multiples. C’est le seul stade où le désir sexuel du rappeur est véritablement dirigé vers l’extérieur.

Le rap suisse ça m’emmerde. Car il y a de bons artistes de par chez nous qui ne se sortent pas les pouces du cul et passent leur temps à se plaindre ou faire les beaux au lieu de bosser.

Le rap suisse ça m’emmerde. Car je trouve un peu pathétique que l’artiste hip-hop suisse le plus connu à l’étranger soit un dessinateur de manga.

_Tuân (qui se réjouit que le rap suisse l’emmerde)